L'homme était poète. « Oh ! Un peu, un peu.. si peu » se défendait-il de sa petite voix masquée d'une main, cachant mal sa timidité.
Au bout de sa promenade journalière, il aimait s'arrêter sur le même banc, dans la Forêt du Bois d'Saint-Jean et y passer des moments à écrire... sauf les jours de pluie.
Absorbé par ses pensées, le nez plongé dans son cahier d'écriture, il ne vit pas tout de suite la petite fille.
« Monsieur... monsieur » susurra la petite voix de la fillette « l'autre jour, j'ai trouvé cette feuille de papier, ici, sur le banc. Je pense qu'elle est à vous. C'est vous qui venez souvent écrire ici. Je vous ai déjà vu quand je me promène avec mon papa. »
« Je sais lire » dit-elle « mais pas encore l'écriture des grandes personnes. Vous voulez bien me lire ce qui est écrit sur cette feuille? »
Et l'homme de lui lire ce petit poème que la forêt lui avait inspiré :
Dans la forêt du Bois d'St-Jean
Y'a des arbres comme des éléphants
Comme des girafes, comme des géants
Des arbres beaux comme des enfants
Y'a des oiseaux qui chantent haut
Des toiles de maître d'araignées
Des fleurs sauvages, des attardées
Des amoureux pleins de bécots
Y'a des ancêtres qui traînent leur vie
Y'a des pousses de l'année qui poussent
Des jeunes qui fument, des vieux qui toussent
Des amoureux remplis d'envie.
Dans la forêt du Bois d'St-Jean
Berce mon coeur au gré des vents
« Que c'est joli » dit la petite fille « vous êtes comme un poète !... »
- « Si peu.. si peu ! » répond l'homme content du plaisir de la fillette.
« Tiens, tu peux garder la feuille, tu la liras quand tu sauras lire l'écriture des grands. »