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Un entretien entre Françoise Tenier et Gabby Marchand

Françoise Tenier: Gabby Marchand chante Jean Cuttat : "Les chansons du mal au cœur" et "Les couplets de l'oiseleur". Ce sont les deux nouveaux disques du chanteur fribourgeois.

Rencontre en quatre parties avec un amoureux des mots et de la poésie, dans sa belle ville de Fribourg le 29 janvier 2016 au Café du Gothard.

 

F.T. - La poésie, c'est quelque chose qui te tient à cœur... surtout la poésie romande ?

Gabby Marchand: Oui, c'est une longue histoire. J'ai découvert la poésie romande un peu par hasard. Je n'avais jamais pensé à m'y intéresser jusqu'à ce que je rencontre des poètes. Ce sont des gens que j'ai appris à connaître quand j'ai eu l'occasion de leur faire entendre ce que j'avais fait avec leurs textes.

 

F.T. - Tu as mis en musique de nombreux textes de poètes romands. Je pense à des
disques comme
La gueule dans les étoiles, Portrait, Femmes, Romandilemoi...

G.M. - Je n'aime pas le terme "mettre en musique". Il y a beaucoup de gens qui ont plaqué de la musique sur des poèmes : on dit un poème et on met de la musique par-dessus : de ça, Jean Cuttat n'était pas content. Moi je transforme un poème en chanson. Souvent il faut rallonger le poème, en faisant des répétitions couplets-refrain: d'un poème qui fait 30 secondes à la lecture je peux faire une chanson de deux minutes 30- 3 minutes sans gabymarchand-portrait.jpgavoir changé le texte.

 

F.T. - Le 21 novembre 1983, tu as réuni à l'Aula de l'université de Fribourg Vio Martin, Émile Gardaz, Richard Édouard Bernard, Jean Cuttat, Francis Giauque...

G.M. - Pour avoir tous les noms il faudrait regarder sur le disque...  C'est un spectacle qui a duré quatre heures de temps. C'était le jour de mes 40 romandilemoi.jpgans. Le spectacle s'appelle Romandilemoi. Ils sont tous venus : Cuttat depuis la France, certains d'autres cantons. Les seuls qui n'étaient pas là c'est parce qu'ils étaient malheureusement morts. L'éditeur Bertil Galland m'a dit à ce moment-là : « En réunissant tous ces poètes ce jour-là, tu as réussi quelque chose que je n'ai jamais pu faire ». Mais préparer cette soirée du 21 novembre 83 ça m'a pris neuf mois. C'était quasiment une gestation !

 

F.T. - Ce n'est pas la première fois que tu consacres un album à un seul poète...

G.M. - J'ai en effet consacré un album entier à Richard-Édouard Bernard que j'ai très bien connu. Au moment de sortir le disque en 1977, une journaliste de la radio Télévision Suisse romande me téléphone pour me demander ce que je suis en train de faire. Quand je lui annonce que je vais sortir un disque consacré à Reb (on l'appelait comme ça) elle me dit : « c'est dommage qu'il soit mort ». Je lui réponds : "Tu vas un peu vite en besogne" alors elle me dit : "et bien il est mort il y a deux jours ». Ça m'a tellement fait un coup que ce disque je l'ai gardé en veilleuse pendant 10 ans : il est sorti en 1987. Il s'appelle Femmes.

femmes.jpg

F.T. - Pourquoi Jean Cuttat ?

G.M. - À la genèse de ma découverte de la poésie, il y a Pierre et Mousse Boulanger, deux comédiens acteurs et diseurs de poèmes. Ils ont organisé une rencontre de poètes au Jorat dans le canton de Vaud. Ils étaient associés à l'éditeur Bertil Galland. Ils ont envoyé des textes à beaucoup de jeunes chanteurs de l'époque. Je crois que j'ai mis en musique tout ce que j'ai reçu - à part peut-être un ou deux textes. C'est à moment-là que j'ai découvert Reb et plein d'autres poètes ; là, je me pique au jeu : je vais acheter leurs livres, Bertil Galland  m'en offre aussi - Cuttat entre autres. Cuttat n'est pas meilleur que les autres mais sa façon d'écrire me convient particulièrement bien pour faire des chansons.  

 

F.T. - Tu  l'as rencontré ?

G.M. - Au cours d'une tournée avec des musiciens et des gens de théâtre, je rencontre une comédienne : Edmée Crozet. Dans des discussions d'après-spectacle, quand je lui raconte que je mets des poèmes en musique, elle me dit : "moi j'aime beaucoup lire des poèmes". On rassemble alors un choix de textes qui aboutit à notre récital La gueule dans les étoiles. Puis onla gueule dans les étoiles.jpg décide d'en faire un disque et d'aller voir des poètes qu'on ne connaît pas encore, dont Cuttat qui habite en France, mais qu'on a rencontré chez son frère Pablo à la pharmacie familiale de Porrentruy.

 

F.T. - Comment s'est passée la rencontre ?

G.M. - Au premier abord je le trouve très froid ce mec et il me fout un peu les jetons. Je ne me souviens plus exactement de ses paroles, mais en gros il m'a dit : "Mais qu'est-ce que c'est encore que ces musiciens qui veulent faire un travail comme ça !". Je lui chante une chanson, puis deux ; si je ne me trompe pas c'était Comptine Lucifer et Chanson de sentinelle. Alors là, je vois son visage changer. Il devient beaucoup plus ouvert et il me dit que ça lui plaît.

Plus tard je suis retourné le voir chez lui à la Turballe près de La Baule. J'ai même réalisé avec lui un entretien de passé deux heures qui devait  figurer dans le livre que je voulais faire. Au lieu de sortir deux disques je voulais aussi éditer un livre - malheureusement je n'ai pas trouvé l'argent pour ça.

Un jour il m'a dit - et c'est une des plus belles choses qu'il ait pu me dire : "Il y a mon poème, il y a ta musique, il y a ta chanson" ; puis il reprend : "Il y a ta musique, il y a mon poème et il y a ta chanson" enfin il reprend pour la troisième fois : "Il y a ton poème, il y a la musique et il y a notre chanson. Quand j'entends notre chanson je redécouvre mes textes autrement". Pourtant je n'ai pas changé les mots mais il me dit : "c'est la magie de tes mélodies et de tes rythmes". Pour moi le rythme est toujours très important, mais on est pas obligé de faire du rap ou du rock 'n' roll pour dire que c'est rythmé. Jean est mort il y a 20 ans et il n'a pas entendu la mal au coeur.jpegcover170x170.jpegplupart de ces musiques. C'est le seul et premier grand regret que j'ai eu quand on a sorti Gabby Marchand chante Jean Cuttat  "Les chansons du mal au cœur" et "Les couplets de l'oiseleur".

 

F.T. - Pourquoi avoir choisi précisément ces deux recueils ?

G.M. - Ce sont les deux recueils auxquels j'ai eu accès en premier : j'ai décidé de mettre en musique Les couplets de l'oiseleur au complet. Pour Les chansons du mal au cœur je n'ai retenu que 25 titres sur les 50 car je ne sentais pas tous les textes ; je ne voulais pas faire de remplissage.

À suivre … 

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