Le voyageur, le vrai, aime les endroits où il est question de départ et d’arrivée. Il aime les aéroports, les halls, les quais et les buffets de gare. Il aime tous ces lieux qui sont autant d’incitations, autant d’exhortations au rêve. Quand il n’est pas lui-même du voyage, il aime humer ces ambiances particulières que sont les départs et les arrivées.
Aujourd’hui Roberto n’allait pas voyager bien loin. Un petit aller-retour vers la capitale, histoire de respirer l’air du temps et de rencontrer la belle petite Lucie avec qui il aimait partager, de temps en temps, un bon plat espagnol au Café du Commerce près de la Fosse aux Ours.
La journée passée dans la joie des retrouvailles, Roberto se retrouva, le soir venu, à nouveau sur le quai de gare de sa ville natale. À chaque retour de voyage, il avait pour habitude de rester sur le quai et de laisser la vague humaine se dissoudre dans les escaliers menant vers la sortie. À combien de départs, à combien d’arrivées avait-il assisté ? De combien de rires, de combien de pleurs avait-il été indirectement témoin ? Roberto n’était pas du genre indiscret mais il aimait laisser traîner une oreille prête à ramasser quelques bribes d’autrui.
Roberto avait remarqué ce jeune homme fébrile et nerveux qui faisait les cent pas à attendre. À l’arrivée du train, c’est un rayon de soleil qui jaillit du wagon pour se précipiter dans les bras du jeune homme. « Alors mon roudoudou, t’es pas content de me revoir ? T’en fais une tête ! » - « Si que je suis content ! Mais aussi, je suis déjà triste de penser que dans trois jours tu vas repartir ».