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Un entretien entre Françoise Tenier et Gabby Marchand - 3

Françoise Tenier: Gabby Marchand chante Jean Cuttat : "Les chansons du mal au cœur" et "Les couplets de l'oiseleur". Ce sont les deux nouveaux disques du chanteur fribourgeois.

Rencontre avec un amoureux des mots et de la poésie, dans sa belle ville de Fribourg le 29 janvier 2016 au Café du Gothard.

TROISIEME PARTIE

Françoise Tenier: Tu as consacré toute une partie de ta carrière au jeune public. Tu as écrit beaucoup de chansons à leur intention. Comment cela a-t-il commencé ?

Gabby Marchand: En fait, à une époque où j'étais encore dans l'église et où je jouais déjà de la guitare, on m'a confié un groupe d'enfants. J'ai fait une chanson pour eux. C'était Je suis un petit lapin, Je me suis dit que je  dédierai cette chanson à mon premier enfant.

Quand j'ai découvert les poètes romands, je me suis aperçu qu'ils avaient écrit de très beaux textes pour les enfants. Entre autres Vio Martin, Émile Gardaz et Jacques Urbain - Cuttat aussi qui a consacré aux comptines tout un chapitre des Couplets de l'oiseleur. Quand je lui ai demandé : "Est-ce que c'est pour les enfants ?" il m'a répondu que non ; il appelait ça "comptine" parce que ça lui rappelait sa jeunesse ; cela dit, à l'intérieur même de ces petits poèmes, il y a des bouts de textes qui sont de vraies comptines, par exemple dans la Comptine Lucifer : Papier rouge, papier vert, par la queue de Lucifer...

 

F.T. - Tu as aussi écrit avec des enfants ?

G.M. - En 1977, j'ai été engagé pour le 20e anniversaire du mouvement ATD quart monde à la Mutualité. Là, j'ai rencontré le fondateur le père Joseph Wrezinski. Il m'a pris à part pour me parler du mouvement Taporis qui s'occupe particulièrement des enfants. Je pensais qu'on pouvait faire quelque chose mais je ne savais pas encore quoi ni comment.  

Finalement ça a abouti à un travail d'écriture de chansons lors d'un premier camp de vacances au Sapelle (en France dans l'Ain). Ça se passait avec des enfants qui allaient à l'école mais qui ne savaient ni lire ni écrire - ce qui m'avait beaucoup surpris à l'époque.

 

F.T. - Comment as-tu procédé ?

G.M. - On a pu faire ce travail parce qu'on enregistrait tout. L'après-midi on réécoutait les bandes du matin, et on demandait aux enfants d'écrire ce qu'ils avaient enregistré, mais c'était illisible, c'était à peine une écriture. Le soir je leur rendais leurs feuilles et je leur demandais de lire leur poésie. Bien sûr ils étaient incapables de se relire, mais ils faisaient fonctionner leur mémoire et se souvenaient toujours d'un bout de ce qu'ils avaient écrit. Quand ça ne marchait pas, je pouvait les aider avec les notes que j'avais prises à partir de l'enregistrement : comme ça personne n'était brimé et tout se faisait dans le respect.

 

F.T. - Il y a eu des enregistrements de ce travail ?

G.M. - Le deuxième camp de chansons, c'était tout près de Jarnac. Là j'ai pu tout de suite mettre de la musique sur les paroles des enfants. A la fin du séjour on a fait venir des gens du dehors. La presse est venue et on a chanté nos propres chansons. Les enfants étaient émerveillés. Ces chansons se trouvent sur le disque L'arc-en-ciel (le premier disque, c'était Le soleil se lève).

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F.T. - Le soleil se lève, c'est aussi une chanson ?

G.M. - Le soir on chantait des chansons pendant trois quarts d'heure. Dix minutes avant le repas, je demandais si quelqu'un avait une idée pour faire une "chanson minute". Un enfant a proposé :  "une pour le matin"  et tout de suite c'est parti sur " le soleil se lève sur notre maison" ;  c'est une chanson que je chante pour les adultes aussi. Et ça marche très bien.

Je connais beaucoup de chanteurs qui ont fait des chansons avec les enfants ; moi je n'ai jamais pu écrire de musique avec eux. Je ne sais pas comment faire : les mélodies sont toujours venues de moi.

 

F.T. - Comme les enfants, tu aimes beaucoup jouer avec le langage...

G.M. - Le langage ce n'est pas seulement pour insulter les gens. En France on dit "savoir lire entre les lignes". Moi j'aime bien le langage un peu double, mais pas trop compliqué. Mais il ne faut pas me demander d'analyser les textes... par contre je m'impose des contraintes d'écriture : c'est comme ça que j'ai écrit des bouts de ficelle et beaucoup d'acrostiches.

 

F.T. - Tu as fait aussi de la télévision ?

G.M. - Pendant une année et demie j'ai animé une émission journalière qui s'appelait Au pays du Ratamiaou à la Télévision Suisse Romande à Genève. J'ai fait de la radio aussi : les enfants m'envoyaient des textes que je mettais en musique.

Moi je suis plus mélodiste que parolier même si j'ai écrit beaucoup de paroles, En tout j'ai dû écrire 1000 mélodies dans ma vie. Pendant un certain temps j'ai réuni une dizaine d'enfants une fois par mois à mon atelier de Fribourg.  Je leur apprenais des chansons et ensuite on écrivait des paroles.

Dans mon atelier j'ai aussi créé beaucoup de petits instruments de percussions avec des choses qu'on jette ; j'ai publié un livre sur ce sujet  : Petites percussions pour les quatre saisons chez Fleurus.  

Je suis un touche à tout, en fait. Il y a des périodes dans ma vie où j'ai pu beaucoup créer - j'ai alors écrit beaucoup de chansons, paroles et musique : j'ai appelé ça "mes nécessités" ; il y a eu aussi des périodes où je n'ai pas écrit parce que j'étais pris par autre chose.

 

F.T. - Te considères -tu comme un chanteur pour enfants ? Comment cette partie de ton activité s'intègre-t-elle dans ta carrière adulte ?

G.M. - Je n'ai pas voulu devenir un chanteur pour enfants comme je n'ai pas voulu devenir un chanteur pour ci ou pour ça. Je suis un chanteur, c'est tout. La majorité de ma carrière est consacrée au public adulte. Je me vois comme un arbre qui a beaucoup de branches - une branche ici, une branche là : il y a les chansons que j'ai écrites pour et avec les enfants, les chansons que j'ai écrites pour les adultes, il y a la poésie, les chansons en patois gruérien...

 

F.T. - Parce que tu chantes dans d'autres langues que le français...

G.M. - À Fribourg il y a beaucoup de gens qui sont bilingues comme moi : j'ai fait mes neuf ans d'école obligatoire en allemand, mais ma langue maternelle c'est le français, et dans la rue on parlait aussi le dialecte.

J'ai chanté des chansons en patois gruérien. En1970, pendant quatre mois je suis même parti à La Roche avec mes deux enfants et leur mère Erica chez un paysan faire le valet de ferme pour mettre dans ma tête les couleurs de ce patois gruérien.

Dans le district de la Singine on parle le singinois qui est un dialecte suisse alémanique.  J'ai connu un poète singinois : Franz Aebischer. Dans Des journées entières dans les arbres il y a des chansons de ce gars-là.

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