Cette journée, commencée au son du canon, les lève-tôt la jugeaient déjà très prometteuse. Dans les cantons catholiques, c’est férié, c’est congé. Aujourd’hui on commémore la Fête-Dieu. La ville de Fribourg, tout comme le reste du canton, reste encore très attachée à ses traditions. De partout dans la ville on voit des gens, souvent vêtus de costumes appropriés, affluer vers le lieu de culte où officiera le « Monseigneur l’Évêque ».
(Certaines mauvaises langues disent que c’est la fête des « Noirs », comprenez : des curés et de leurs inconditionnels serviteurs).
Les autres – les non-pratiquants et les athées - profitent de ce pont pour partir vivre un congé prolongé et bien mérité.
Après l’office religieux, la procession se met en route. Sur le parcours, une femme, voulant faire de l’esprit, dit à sa voisine : « Tu vois, Allah est avec nous, il nous a même envoyé son Mahomet (le soleil) ». Et sa voisine de la fusiller d’un regard désapprobateur.
A midi, dans un restaurant de la place, Maman et Papa ont invité leurs trois enfants pour fêter la belle aube que leur aînée a portée à la procession. La fillette est un petit bourgeon tout frais éclos des mains des catéchistes. « Tu sais », dit-elle à son père « nous, on est tous les enfants de Jésus, et si on fait le mal, on ira tous en enfer ». Le père, excédé, prie sa fille de se taire. Et la fille, fâchée et vexée, d’en rajouter : « Et toi, t’es pas mon papa. C’est Jésus mon papa. Et toi, t’es le diable et tu iras même pas au purgatoire mais directement dans les feux de l’enfer. »