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Les petites histoires de Gabby: 54.Les pierres
Il était très connu dans le milieu de la pierre. Non pas de la pierre de construction, ni de la pierre précieuse, que non, que non, mais des collectionneurs de cailloux.
Dès son enfance, il avait été marqué et fort impressionné par des images du Palais Idéal qu'avait construit le facteur Cheval avec des cailloux qu'il rapportait chaque jour de sa tournée de facteur.
Il ne serait jamais un deuxième facteur Cheval, mais il ne manquait pas une occasion de se baisser pour cueillir un beau caillou par-ci, une belle pierre par là.
Il eut l'idée de marquer quelques pierres de son empreinte pour les personnaliser. Tailler le caillou au marteau et au burin s'avéra une tâche trop ardue. Il commença par peindre chaque pierre d'une couleur différente. Il en fit des mates et des brillantes. Un beau jour, il inventa des signes cabalistiques et se créa un monde venu d'ailleurs.
C'est quand il commença à disperser ses cailloux à certains endroits de la ville, toujours les mêmes, et que ces cailloux se mirent immédiatement à disparaître qu'il trouva que ça devenait intéressant.
Lors d'une soirée passée chez des amis d'amis d'amis, il reconnut (à sa grande surprise) sur un beau meuble, un alignement de ses propres petits cailloux peints et marqués de signes cabalistiques.
« Mais d'où viennent ces beaux cailloux ? », s'exclama-t-il à la cantonade.
Et l'hôte d'un soir de lui expliquer qu'il avait acheté cette collection à un voyageur de passage qui lui avait garanti l'authenticité de « pierres à messages » très anciennes. -
Le quatrain de la semaine
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Les petites histoires de Gabby: 53.Christian
Christian a quatorze ans. Quand il fait une bêtise, ce qui lui arrive fréquemment, il répond avec désinvolture : « J'y peux rien... c'est comme ça, c'est l'âge bête ».
Son papa n'insiste pas. Il connaît son rejeton et surtout il se souvient de ses propres frasques quand il était lui-même enfant.
Si Christian paraît être un adolescent lambda, il tranche pourtant avec une grande majorité de ses congénères boutonneux, prêts à la mue : il est curieux.
Il sait se révolter : « Oh, vous les vieux, vous ne me laissez rien faire. Obéir, obéir... et ramper... y'en a marre d'être encore traité comme un petit gamin »
Christian le révolté est aussi Christian le curieux. Si sa lutte pour voler de ses propres ailes le pousse à s'opposer à ses parents, il a, parallèlement, un amour vrai et un respect profond pour eux.
C'est ce qui rassure son père.
Christian le curieux apprécie les moments de bonne discussion qu'il a avec Papa et celui-ci sait répondre à son besoin de curiosité.
« Si Papa n'a pas réponse à tout, c'est que c'est un homme normal et qu'il n'essaie pas de m'emberlificoter », pense Christian, confiant et heureux. « C'est pas comme les « ceusses » qui cherchent à me soumettre avec leur morale de bien pensants. »
Ah que cette journée fut belle où Christian et Papa ont gravi la montagne. « D'ici on voit bien que les humains sont petits et que le monde est si grand et si beau » a dit Christian serein et tranquille.
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Le quatrain de la semaine
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Les petites histoires de Gabby: 52.La peur
Vu de l'extérieur, la petite fille a tout pour elle : elle est grande pour son âge, elle a de beaux longs cheveux blonds et ses parents l'habillent avec beaucoup de goût. Ses grands yeux bleus l'annoncent déjà : elle sera très belle.
A y voir de plus près, y'a de la douleur cachée. Patricia dégage de la tristesse... elle a peur et son grand-papa, toujours attentif à ses petits-enfants, s'en inquiète.
« Tu sais, ma chérie », dit le grand-père « si tu le veux tu peux me confier ce qui pèse si lourd sur ton coeur. »
La petite ne peut répondre car elle n'est pas consciente du pourquoi et du comment de ses trop longs moments de peur et de tristesse.
Patricia est entre les mains d'un jeune abbé qui l'éduque à la dure à coups de catéchisme qui doit faire d'elle une femme pure, droite et sans péché.
Le bien, le mal, les feux de l'enfer... tout y passe. « Fais pas ci, fais pas ça... sinon Dieu te punira et tu n'iras pas au paradis ».
Grand-Papa est convaincu du traumatisme de Patricia. Les peurs de sa petite-fille l'inquiètent.
« Tu sais, ma chérie », lui dit-il « moi aussi j'avais très peur quand j'étais enfant ; j'ai même eu peur que ma maman m'abandonne. J'avais peur des grands garçons qui me tapaient. J'avais peur des chiens, peur de la nuit et du noir, et surtout... peur des morts. C'est plus tard quand je n'ai plus été obligé d'écouter les peurs que certaines personnes voulaient mettre en moi pour mieux me commander, que j'ai osé regarder la lumière en face. Essaie donc de croquer la vie à belles dents et n'oublie pas que la nuit est le début de toute journée. »